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►Paru dans le DAUPHINÉ LIBÉRÉ du jeudi 23 mars 2023 , un article de Guillaume Faure : © Le DAUPHINE LIBERE
Comment les agents secrets sont intervenus dans nos vallées
Antoine Arnoux a publié La guerre secrète dans les Alpes du Sud. Pour cet Embrunais d’origine, il y a la volonté de raconter des histoires locales souvent méconnues. En l’occurrence, celle des agents secrets britanniques, américains, français durant la Seconde Guerre mondiale.
Une recherche personnelle peut parfois mener à entreprendre un travail de chercheur. Et à la publication d’un ouvrage ! Antoine Arnoux, originaire d’Embrun et vivant aujourd’hui près de Lyon, vient de l’expérimenter avec la parution de La guerre secrète dans les Alpes du Sud. « Je faisais des recherches sur l’Embrunais durant la Seconde Guerre mondiale, retrace ce quadragénaire. Dans des archives anglaises, je découvre que des commandos ont fait sauter le pont de Savines. C’était avec des commandos interalliés Jedburgh , composés de trois hommes parachutés en territoire(s) ennemi(s). Le rôle était d’intervenir dans des maquis, organiser des parachutages d’armes, réaliser des sabotages, prendre des informations.»
►Dans une France en guerre, le rôle du "SOE" britannique.
La toile d’informations se tisse peu à peu pour Antoine Arnoux : c’est la découverte du SOE, le Special operations executive , un service britannique d’agents secrets. Du réseau Jockey, dont les Alpes du Sud dépendent alors. De leur chef, Francis Cammaerts alias “Roger”. Mais aussi des missions de l’ Office of strategic services (OSS, qui deviendra la CIA) ou du Bureau central de renseignements et d’action sous l’égide de De Gaulle. « J’ai ainsi retrouvé les lieux de parachutages dans les Hautes-Alpes et Alpes-de-Haute-Provence », décrit l’Embrunais.
Il compulse, en anglais, les rapports officiels de mission comme les comptes rendus parfois romancés. « J’ai fait une sorte de carte chez moi. J’ai posé des questions à des historiens locaux. Et à part quelques sites spécialisés, ce n’était pas une période connue. Le grand public ne savait pas que des commandos étaient venus aider la Résistance », reprend Antoine Arnoux. L’idée du livre était née, avec pour but de « partager ce savoir ».
►Cinq années de travail personnel
Entre la première recherche et la parution du livre il y a plusieurs semaines, cinq ans se sont écoulés. L’histoire et l’archéologie ne sont pourtant pas son métier, mais il s’y consacre sans s’économiser. « Il fallait trouver toutes les informations pertinentes, traduire des tonnes de documents, retrouver les descendants de ces agents. Par exemple, la fille de Francis Cammaerts, il y a eu six mois entre mon message et une réponse », sourit l’auteur.
À ces figures méconnues, Antoine Arnoux donne un relief historique. Il met en lumière leur complémentarité avec les Forces françaises de l’intérieur (FFI). « Si le débarquement de Provence a été efficace, c’est grâce à l’action de ces maquis. Les Allemands s’attendaient à un débarquement », rappelle-t-il. Mais l’intensification des opérations et sabotages, comme le pont de Savines justement, permet d’entraver l’arrivée de renforts et les replis, appuie-t-il. Sans oublier d’autres actions au pont de Prelles (Saint-Martin-de-Queyrières), sur la route entre Montgenèvre et Briançon, au col de Larche comme sur la route Napoléon. Des trains sont visés à Veynes, des chemins de fer sabotés à Manosque.
►Le rôle des femmes mis en lumière
Les femmes sont présentes dans ces réseaux. « Elles transmettaient des messages de maquis en maquis », relate Antoine Arnoux. Elles sont locales, à l’image de l’implication de Suzanne Roos à Briançon ou de Jacqueline Bouquier entre Céreste et Reillanne. Ou internationales, comme Krystyna Skarbek, aristocrate polonaise polyglotte œuvrant pour le SOE avec le nom de guerre Christine Granville et ayant participé à la libération, à Digne-les-Bains, d’un certain… Francis Cammaerts.
Des commandos qui aideront aussi à travailler « main dans la main » avec les partisans italiens. « Une autre partie de l’histoire que l’on oublie », signale l’Embrunais. Et les descendants de ces acteurs de la guerre remis en lumière ? « Ils étaient étonnés par ma démarche. Mais honorés », confie-t-il. Du côté des éditions du Fournel, il y a tout de suite eu un engouement, souligne-t-il. En somme, une histoire secrète qui demande à ne plus l’être. Ça tombe bien : le livre trouve son public depuis sa sortie.
Guillaume FAURE (© Le Dauphiné Libéré)
►Antoine Arnoux fait partie des auteurs attendus au 8e salon du livre et du marque-page, à Laragne-Montéglin, les 1er et 2 avril.