Embrun (Hautes-Alpes) situé dans la haute vallée de la Durance est, depuis l'antiquité un lieu de passage incontournable pour franchir les Alpes.
Son importance stratégique en fit une préfecture romaine avec garnison, puis la capitale des Alpes Maritimes du Mont Guillaume jusqu'à Nice et Cimiez §
Es les Romains la ville fut fortifiée, car l'ennemi avait des passages accessibles vers l'embrunais : col du Mont Genèvre, de l'Echelle, Lacroix, Larche, vars, les Orres, le Parpaillon.
LES FORTIFICATIONS :
L'enceinte romaine d'Ebrodunum correspond à l'ouest de la place Saint-Marcellin, le sud de la rue Victor Maurel et de l'ancien archevêché, la rue Emile Guigues, la place Chaffuel, le sud du boulevard Pasteur (1).
Ces murailles ont servi aussi lors des invasions du Moyen-Age.
Plus tard, les murs ont été flanqués de tours rondes (2). Une tour carrée, la Tour Brune, est construite au XIIème siècle et concédée par le comte de Forcalquier à l'archevêque qui entoure son palais de murs.
Le palais Delphinal ou citadelle était alors situé hors des murs au sud de la maison de retraite Mapad les Chanterelles.
Dans la seconde moitié du XVème siècle, deux prélats : de Suze et Amel renforcent les murailles. Elles seront agrandies par Lesdiguières pendant son séjour à Embrun de 1585 à 1590 : il flanque le côté Nord de cinq bastions : le bastion Nord-Est a été élevé sur les ruines de l'église Saint-Marcellin détruite sur ordre de Lesdiguières.
La citadelle a été restaurée et le donjon, devenu inutile, détruit. Ces travaux ont été exécutés par Guillaume Dioque maître-maçon embrunais, originaire d'Italie (Diocco).
Après la guerre de la ligue d'Augsbourg qui a suivi la révocation de l'édit de Nantes et la prise d'Embrun en Août 1692par le duc de Savoie Victor-Amédée II, la ville est fortifiée par Vauban : deux portes vers Gap et Briançon, une corne en avant de la porte de Gap, des bastions, des demi-lunes, une poudrière, des casernes, une manutention sont édifiés après 1700.
Cet ensemble sera régulièrement actualisé jusqu'en 1872, date du déclassement de la place-forte d'Embrun.
Mais la carrière militaire d'Embrun n'est pas terminée. L'embrunais Louis-Ernest CEZANNE, député d'Embrun, président du Club Alpin Français dépose le premier projet de loi portant création des troupes de montagne.
VOCATION MONTAGNARDE DES TROUPES DE MONTAGNE CANTONNEES
à EMBRUN.
Dès le moyen-Age, les troupes cantonnées à Embrun se sont battues dans les montagnes. Plus tard, les rois allaient guerroyer en Italie s'arrêtent à Embrun. Ils utilisent les paysans pour faire passer dans les cols le matériel et surtout les canons.
En 1693, le maréchal Catinat fait exécuter un sentier muletier sur le col du Parpaillon car l'Ubaye est savoyarde et donc une région ennemie.
Le général Vallier de Peyrouse, né à Embrun, a été responsable sous la révolution de 1789, de la défense des Hautes-Alpes ; il a fait réparer la route du col de Vars et dressé les plans de la route du Tourniquet, versant Est du Mont Genèvre. Pendant la révolution, le Premier Bataillon des Volontaires des Hautes-Alpes dirigé par un baraton Jacques Tholozan la Bâtie est composé surtout d'embrunais, se bat dans les montagnes du Queyras, de la Savoie, et des Pyrénées Orientales.
Le Deuxième Tirailleur des Frontières (première compagnie de castelroussins, 3ème de savinois, 7ème d'embrunais), a combattu vaillamment depuis 1793.en 1870-1871, les 2ème, 5ème, 6ème compagnie du bataillon des Mobiles des Hautes-Alpes ont fait leur instruction à Embrun et se sont battues dans l'armée de l'Est au nord du jura.
Ainsi la vocation "montagnarde" des embrunais a devancé la création des Diables Bleus en 188
Embrun accueille ensuite un bataillon des Chasseurs Alpins (28, 10, 12, 14ème BCA).
En 1892, le général baron BERGE, gouverneur de Lyon, fait ouvrir une route stratégique de Crévoux à Saint-Anne la Condamine : il donne l'ordre de percer un tunnel de 500 mètres sous le col du Parpaillon : les alpins d'Embrun et de Barcelonnette aidés par le Génie vonyt y travailler plusieurs étés.
En 1896, e lieutenant Widman, originaire de Suède, affecté au 28ème BCA à Embrun fait venir des skis de son pays natal et, le 12 février 1897, il gravit le Mont Guillaume (2452 m) à skis; il renouvelle son exploit en 1898 près d'Orcières.
Il commence alors une action de propagande pour l'utilisation de ces "planches" dans l'armée : il est ainsi le précurseur de l'emploi des skis chez les alpins.
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LA VIE DE GARNISON
En dehors de quelques officiers sportifs comme Widman, Truchet etc…, la vie à Embrun petite sous-préfecture parait morne aux cadres. Mais il y a l'entrainement qui rompt cette monotonie, car il faut se prévenir contre la triplice : Allemagne, Autriche-Hongrie et Italie si proche ! Exercices sur le champ de tir des Crottes, marche en montagne avec 25 kgs sur le dos et des mulets portant le matériel lourd (100 kgs par animal).
En hiver, l'itinéraire de la 12ème BCA part d'Embrun vers le poste des Actes du Briançonnais par Châteauroux, Guillestre, la Roche de Rame, l'Argentière, Vallouise, Briançon, Montgenèvre, Plampinet, Névache…
LES DIABLES BLEUS d'EMBRUN DANS LES COMBATS
Le monument du 12ème BCA d'Embrunédifié en 190 et restauré récemmnt, porte les noms des bataillles des ancêtres des chasseurs alpins, les chasseurs d'afrique : Isly 1844, Sidi Brahim 1845, Sébastopol 1854, Solférino 1859, Extrême-Orient 1885 et les combats du 12ème BCA : Madagascar 1895, Maroc dès 1906; il faudrait y graver les autres faits d'armes du bataillon : Lorraine, Artois, Somme en 14-18 et la guerre de 1940.
Apr-s la dissolution de l'armée d'armistice en novemebre 1942, de nombreux cadres de chasseurs alpins intègrent la résistance : le lieutenant Eymin (futur général) dirige le maquis des Orres, le commandant Terrasson-Duvernon est dans le Gapençais et le Dévoluy.
Après la libération le comandant Terrasson-Duvernon recrée le 11ème BCA à Embrun : le 22 septembre 1944, le fanion de l'ancien bataillon est présenté aux hommes par Mme Hubert veuve du dernier chef de corps, mort en captivité.
Le 11ème BCA avec sa section d'éclaireurs-skieurs se bat dans le Queyras contre les alpenjäger et les alpini fascistes.
Le bataillon reçoit en renfort deux compagnies du bataillon 17/XV des Maures et des FTPF cantonnés à Mont-Dauphin, écœurés de la pagaille qui régnait dans leur casernement.
Les accrochages dans la neige se multiplient, la 2ème compagnie du lieutenant Eymin déborde Ristolas par les hauteurs et oblige l'ennemi à se replier vers la Monta.
Mais un autre 11ème BCA avait été reconstitué dans le Jura. Le 11ème d'Embrun est dissous le 20 mars 1945 et rejoint l'autre 11ème BCA : il se bat autour du Mont Cenis : c'est au combat de Montfroid que le chasseur de 1ère classe René Garnier, espoir du ski-club embrunais, âgé de 19 ans, est tué le 5 avril 1945.
Après les guerres d'Indochine et d'Algérie, la restructuration de la Défense Nationale enlève à Embrun sa garnison. Certes un centre mobilisateur restera quelques années dans la caserne Delaroche et une compagnie du 159ème R.I.A. y séjournera quelque temps mais c'est la fin, la caserne Vallier la Peyrouse et le bâtiment central de la caserne Delaroche sont démolis.
Il ne reste que les traces du passé militaire d'Embrun : deux tours médiévales : une partie des fortifications "à la Vauban", la poudrière, la Manutention, le monument du 12èmeBCA rue Curie, le chemin de ronde au bord du Roc, le carré militaire au cimetière très bien entretenu par le Souvenir Français et la mairie. Cependant grâce à la municipalité et son maire le général (C.R.) Motte, des manifestations militaires rappellent aux Embrunais leur riche passé.
En février 1997 la ville a céléré le centenaire de l'ascension à skis du Mont Guillaume par le lieutenant Widman : plus de 60 embrunais ont gravis à leur tour la montagne : deux plaques remémorent l'exploit de l'officier du 28ème BCA.
Chaque année cette ascension sera refaite.
L'Association de Sauvegarde du Patrimoine de l'Embrunais avait organisé une exposition sur la vie de Widman et un bulletin spécial de "LA DURANCE" sur Widman, les débuts du ski dans les Hautes-Alpes et les combats des chasseurs alpins.
L'association a aussi monté dans les salles près de la Tour Brune des rétrospectives sur les embrunais dans les guerres de 1792, à 1962, sur Verdun 1916, sur la guerre d'Algérie, sur le tunnel militaire du Parpaillon : elle prépare une exposition et un bulletin sur l'armistice de 1918 et sur l'Embrunais à la fin de la guerre de 14-18.
Jean Vandenhove
Notes :
(1) Traces de murs romains : au début de la rue de la Manutention près de la place Dongois. Lors des fouilles de 1990 au parking de l'archevêché : fondations du mur romain à moins 2 mètres en face cabinet médical Coulomb.
(2) Tour ronde 1378 environ, près de l'ancien abattoir d'Embrun et bas d'une tour ronde près du stade.
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A gauche : la caserne Vallier,
à droite : l'hôpital civil et militaire (1908) |