Le Pont de la Clapière

(Textes et illustrations Noël Bagagli)

LE PONT DE LA CLAPIÉRE (anciennement CLAPIERRE)

 Pour les Embrunais, le pont de la Clapierre est depuis des siècles, le passage obligé pour se rendre de l'autre côté de la Durance, vers des propriétés, vers Baratier et les autres communes environnantes.

Peut-être y a-t-il eu dans un passé lointain, avant les ponts de bois, un bac. Mais nous n'avons pas connaissance de ce mode de traversée à la Clapierre.

Passage de bac en basse Durance :

Passage_Bac.jpg Passage_Bac_2.jpg

 Ce pont qui fut très longtemps en bois, a très souvent été emporté comme fétus de paille par les nombreuses crues démentielles de cette Durance[1] qui pouvait au printemps, en quelques heures tout emporter sur son passage ; comme la crue de 1358 qui dans sa folie inonda une partie de la plaine du Roc et arracha le bas des pentes de sa rive droite entre Embrun et Savines (plus d'un quart de lieues de prés) emportant ainsi le grand chemin qui longeait alors vers Savines par ce côté-là.

 Il fallut alors tracer une nouvelle route vers Savines par le village des Crottes et le pont de la Clapierre qui existait déjà et en construire un nouveau pont dans Savines, par lequel le voyageur rejoignait le chemin normal vers Prunières et Chorges. C'est notre Nationale actuelle. On reconstruisit donc un nouveau pont de rondins de bois.

 Les crues dévastatrices sont au nombre de 7 au 13ème siècle, 3 au 15ème et 16ème, 7 au 17ème, 10 au 18ème, 13 au 19ème. La crue de novembre 1843 détruisit le pont des Mées qui devait être inauguré et les débris démolirent le pont de Manosque. En 1843, on enregistre 6 mètres de haut au pont Mirabeau, 6000 m3 seconde, celle de 1882-1886, 5750 et 6700 m3 seconde pour un étiage moyen de 200 m3 seconde. (Louis Pelloux). (Le général Humbert note aussi les crues de 1202 et 1440)

En 1692 lors de l'invasion du Duc de Savoie, le pont de la Clapierre fut incendié

 La Durance : "On l'aime ou on la craint. Elle est belle, mais ses colères dévorent les fortunes, engloutissent les fermes et les vergers. On a mille fois essayé de lui faire entendre raison : elle n'a jamais écouté que son caractère..." (Jean Giono)
 Mme Sévigné disait d'elle : "Chienne de Durance, bête furieuse, Durance folle, toujours le diable au corps..."

[1] (ce nom, Durance fut un temps contesté, car à 8 km de sa source, elle reçoit une véritable rivière de 20 km de long, la Clarée , qui vient effectivement la former. Jules de Séranon nous dit : ''Qu'elle est la plus flagrante et la plus odieuse usurpation qui ne se soit jamais vue dans le monde des fleuves et rivières)

PontBois_StCrepin.jpg
Le pont de la Clapierre était semblable à ce pont de bois de St Crépin,
photographié lors d'une crue mémorable des années 1800

Shema_Pont_1024.jpg
Plan du pont de la Clappierre de 1639

Culee_Sud_PonBois.jpg
Culée sud du pont en bois

La digue :

 Pour protéger la plaine du Roc une première digue fut construite et livrée le 18 mai 1591 '' En amont du pont de la Clapierre ; longue de 128 mètres, haute et large de 3, elle mettait la plaine à l'abri des débordements. C'est Guillaume Dioque, maître maçon qui en fut le directeur d'ouvrage sous les ordres de Lesdiguières. Ce Maître maçon fut aussi le constructeur des fortifications qui entraînèrent la destruction des églises en ruine de St Marcellin et St Hilaire, ainsi que celle de St Pierre, 1590 et ses maisons environnantes. Ainsi fut créé la place St pierre et le pavage en fut donné à Guillaume Dioque

 Le journal ''la Durance '' du 6 avril 1873 rappelle que :''En date du 31 mars 1729, Mrs Barthelon père et fils, entrepreneurs de travaux publics, sont adjudicataire pour la reconstruction de  la digue sous le Roc, emportée par l'inondation de 1728…"

 La prolongation importante de la digue jusqu'à la Clapierre, devait voir la construction d'un nouveau pont en bois, dans les années 1800. On retrouve ses culés, en pierre de Guillestre, là où fut construit un pont de bois en 1945, à la suite du bombardement du 19 août 1944. Ce sont les ouvriers de Charmasson qui firent les travaux.

 Le pont de fer bombardé, fut vraisemblablement construit entre 1850 et 1870, comme beaucoup de pont sur la Durance. C'était, comme celui du pont neuf, un pont en poutrelles de fer ou d'acier de type Eiffel ou Town à partir de 1880 de type Pratt et Howe.

AncienPont_Dhorne_redimensionner.jpg
Le Pont de la Clapière en poutrelles de fer

PontNeufEffondrement0004_redimensionner.jpg
Effondrement du pont de fer suite au bombardement
du 19 août 1944
PontProvisoire_redimensionner.jpg
Construction du pont de bois provisoire en 1945
Nouvelle_Passerelle_redimensionner.jpg
Nouvelle passerelle piétonnière construite en 2018
au-dessus de la pile du pont provisoire

 Au sujet du pont bombardé, il est bon de préciser, que les bombardiers américains du 30° Group Bomber partirent de Sardaigne et qu'ils lachèrent leurs 112 bombes de 1000 livres à 9h 28 exactement, soit environ 30' après le bombardement du Bramafan.
A la Clapierre, il y eu 3 morts, 3 femmes des familles Roux, Bernard, Rambaud, ainsi qu'un blessé très grave qui perdit une jambe, Pierre Fortoul de la ferme du Liou (ferme qui se trouvait à peu près à la place du garage Esmieu) De nombreuses maisons furent endommagées, particulièrement la villa des Roses et celle de Mr Rambaud, 100 mètres au dessous, qui fut presque démolie.

 A noter aussi que le pont en bois construit pour être provisoire, en 1945, dura jusqu'en 1953. En 1951/52 il devenait dangereux au point que les nombreux camions de bois Italiens qui passaient tous les jours, durent laisser leur remorque rive gauche et la faire traverser avec un tracteur.
"Tout branlait quand ces camions passaient. Il y avait un bras mort rive gauche sous le pont et je peux témoigner que ça nous amusait de voir les poutres bouger, craquer, et les ferrures cliqueter, car nous y venions pour nous baigner toutes les vacances d'été."

(Noël Bagagli)


Date de création : 29/01/2019 16:01
Page lue 25234 fois